dimanche 18 octobre 2015

La langue selon Novarina

"Les langues en savent plus que nous. Il faut les porter à notre oreille : et parfois ne plus du tout les savoir pour les entendre."



La langue inconnue, voilà bien un titre intriguant... 

Le résumé :

« Pacoter : marcher dans le pacot (sorte de boue), patiauquer : marcher dans la patiauque (autre sorte de boue, un peu plus gluante)... Le pacot et la patiauque sont à distinguer du diot – boue argileuse – et de la ouafe – boue de neige fondue. »
Valère Novarina travaille les langues qui l'habitent, les met en scène, les compare, les déploie dans leurs contextes, leur parentés, leurs timbres, leurs souffles, leurs accents, leurs rythmes. Dans "Une langue inconnue", le patois savoyard avec toutes ses nuances et le hongrois chantant pour Valère enfant sont des langues en mouvement.

 Mon avis :

Si vous pensez que vous allez lire ce livre de 49 pages en 30 minutes je vous arrête tout de suite. Bien que le livre soit très petit, il est bien difficile de le survoler. Il faut prendre le temps de comprendre ce que l'auteur veut nous transmettre. Novarina choisit ses mots avec soin afin de permettre au lecteur d'entrevoir précisément ce qu'il ressent face à la langue. Pour l'auteur, le chercheur, l'homme de mots, les langues sont "pour toujours des bêtes respiratoires à jamais imprévisibles"(p-8) et il faut donc les apprivoiser, à la manière de la lecture de ce livre. 

Ce que j'aime dans la pensée de Valère Novarina c'est le fait qu'une langue ne soit pas résumée seulement aux mots ; elle est aussi défini par ses silences, son souffle et sa respiration. Et en rapportant cela au caractère écrit de la langue on peut faire une belle place à la ponctuation (que j'ai toujours trouvée tellement importante, tellement indispensable). La langue vit, se meut, et "chaque mot" est un "animal phonétique" (p-31). Les mots prennent soudain un sens nouveau, ils ne sont pas simplement les véhicules d'une histoire, ils sont eux-mêmes, dans leur identité propre l'histoire. 
Pour Novarina la langue ne doit pas rester enfermée, elle remplit l'espace, comme au théâtre, elle prend toute sa place dans le vide. On peut d'ailleurs lire à la page 45 " Le langage n'est pas introspectif. Une opération anatomique s'effectue : le langage est montré dehors. Le langage se manifeste dans l'espace." 
J'aime énormément cette vision des mots et de la langue, ce respect infini et cette douceur à choisir et assembler les sons. C'est ce que j'aime chez Novarina, c'est cet amour immodéré du langage. On peut aimer un livre pour son intrigue, son dénouement, ses personnages ... Chacun peut décider de ce qui lui importe le plus. Dans mon cas il est clair que la qualité principale que doit posséder un livre est son texte, sa langue. L'auteur représente pour moi un assembleur de mot, un magicien du son et lorsque je commence à lire un livre "presque" à haute voix, alors la magie a opéré. 

Si vous êtes des amoureux de la langue, des langues, de ces sons 1000 fois répétés, joués et assemblés alors lisez ce livre absolument. 
Valère Novarina nous prouve, une fois de plus, sa passion du langage et aussi, il faut bien le dire, son génie d'analyse. 

Vivez, Lisez. 

"La langue est la matière humaine invisible" 

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